Les archives cartographiques
Mercredi 15 février 2023 de 14h30 à 18h
Journée d’étude annuelle du GEI
Présentation
Les archives des empires ibériques comportent une dimension cartographique fondamentale. Caraques et caravelles longent les Caraïbes, l’Orénoque, le cap Magellan pendant que les cosmographes du monarque montent en précision depuis la péninsule ibérique dans leur tâtonnement de la géographie américaine. Cette production de connaissance permet d’organiser une colonisation territoriale qui à son tour crée le besoin administratif de s’informer sur les ressources, les populations et les distances des nouveaux territoires à gouverner. La construction et l’amélioration d’un réseau de communications intérieures est un chantier perpétuel qui engagent les souverains ibériques, dont les projets bourbonniens de la seconde moitié du XVIIIe siècle montrent tout à la fois l’extension et l’incomplétude. En conséquence, une bibliographie importante permet déjà d’étudier l’inscription documentaire du territoire, mais elle se trouve segmentée entre travaux sur le transport (Ramon Serrera Contreras), sur la géographie politique (Tamar Herzog), ou sur le style des documents (Barbara Mundy).
Cette journée d’étude voudrait contourner cette division du travail pour analyser la documentation cartographique des empires ibériques dans un mouvement inverse, allant de la source au territoire. Archives écrites, fouilles de sites et spatialisation des données apparaissent comme autant de méthodes pour répondre à des problèmes partagés. D’autant qu’une autre approche de ce matériau d’histoire émerge grâce aux humanités numériques, les logiciels de Système d’Information Géographique (SIG) permettant d’établir des bases de données, de visualiser spatialement des masses documentaires et géolocaliser les phénomènes historiques. Il ne s’agit pas de détruire l’archive dans la production de données décontextualisées, mais il ne s’agit pas non plus d’écarter la dimension informative des archives impériales pour réduire l’analyse aux constructions discursives des acteurs. Nous voulons donner à voir les renouvellements dans la lecture des archives et dans la formulation des problèmes que permet l’approche géolocalisée des sources cartographiques. Quelles formations socio-environnementales s’imposent dans la reproduction régulière d’une société sur un territoire ? Comment se transmettent les réseaux urbains et routiers dans la longue durée ? Comment évaluer et hiérarchiser les facteurs de changement ?
Au sein de l’EHESS, nous disposons des ressources académiques adéquates pour cette recherche : l’école française de la archéogéographie, la plateforme de Système d’Information Géographique (SIG) et des projets de numérisation de sources historiques. Précisément, en poursuivant la lancée d’autres projets et séminaires menés au sein du Groupe d’Études Ibériques (CRH), cette journée d’étude s’organise comme une opportunité pour mutualiser bibliographies, compétences et intérêts autour des dimensions territoriales des sociétés du passé. Ainsi, nous voulons proposer une première approche des sources cartographiques mexicaines et des problèmes méthodologiques que pose leur conversion en données et leur spatialisation. Ensuite, nous voulons élargir ces réflexions au contexte impérial américain, en amorçant la comparaison avec des présentations de travaux sur d’autres espaces ibériques. Ces présentations et discussions permettront de réfléchir collectivement à la façon d’utiliser des ressources cartographiques et de spatialiser des réflexions, autour de l’inscription urbaine de l’empire et de son emprise sur les différents territoires administrés.
Programme
14h30 – 14h50. Introduction
Jeronimo Bermudez et Antoine Duranton (EHESS-CRH) – Documenter et spatialiser les empires ibériques par les archives cartographiques
14h50 – 16h00. Méthode et application des systèmes d’information géographique historiques (SIG-H)
Karine Lefebvre (UNAM-CIGA) – Utiliser les archives cartographiques en Nouvelle-Espagne, entre histoire, géographie et archéologie
Karine Lefebvre est archéologue au sein du Centro de Investigaciones en Geografía Ambiental de la Universidad Nacional Autónoma de México. Ses recherches portent sur les transformations du paysage avec la colonisation espagnole du Mexique. Actuellement, elle dirige des fouilles et travaille des fonds d’archive pour décrire les bouleversements dans le schéma d’implantation avec la colonisation agropastorale de l’espace.
16h15 – 18h. Table ronde ouverte au public
Géolocalisation et jeux d’échelles dans la recherche historique
Comment dans la recherche sur les empires ibériques les historiens ont-ils procédé à la spatialisation de données ? Quel type de sources ont-ils choisis et pour résoudre quels problèmes ? Cette table ronde vise à donner quelques exemples de spatialisation de données et d’usage de méthodes d’information géographique dans une démarche historienne. Cette discussion entre pairs ainsi qu’à destination d’étudiants en master et en doctorat désireux de partager leurs recherches et de se familiariser.
- Jean-Paul Zuñiga (EHESS-CRH), Ancrage urbain de quelques familles d’artisans à Santiago du Chili au XVIe siècle
- Baptiste Bonnefoy (Université Paris-Nanterre-ESNA), Le réseau muletier dans l’isthme de Panama au XVIIe siècle
- Werner Stangl (Université de Graz), L’état du courrier dans l’Amérique hispanique à la fin du XVIIIe siècle
Cette journée d’étude s’inscrit dans le cycle annuel de présentation des activités du Groupe d’Etudes Ibériques (CRH/EHESS) des 14 et 15 février 2023. Aucune transmission en ligne n’est prévue.
Lieu
EHESS (Salle B04_01)
54, boulevard Raspail
75006 Paris