Transformer et s’approprier l’espace dans les empires ibériques (XVIe-XVIIe siècles)
Date limite de dépôt : 20 mars 2022
Appel à communication
Argumentaire
Du XVIe au XIXe siècles, de nombreux territoires à travers le globe sont transformés par l’impérialisme des couronnes espagnole et portugaise. L’appropriation et la transformation des territoires et des paysages jouent un rôle central dans les processus coloniaux des empires ibériques[1]. En interrogeant la transformation et reconstruction spatiale à l’époque coloniale, cette journée d’étude doctorale entend questionner la spécificité des outils et pratiques mis en place dans les empires ibériques pour maîtriser l’espace et exploiter les ressources des différents territoires qui les composent entre le XVe et XVIIe siècle.
Cette journée d’étude souhaite étudier la diversité des paysages et des espaces vécus dans les sociétés ibériques en confrontant les exemples issus des empires portugais et espagnol (territoires de la Péninsule inclus). Il s’agit également d’examiner la transformation des espaces et des processus d’appropriation des territoires sur le temps long, entre les XVe et XVIIe siècles. Ensuite, il s’agit de prendre en compte la diversité des populations dans les empires ibériques. Une attention particulière sera ainsi portée aux stratégies développées par les populations indigènes, par les populations issues de la traite ainsi qu’aux différentes diasporas et populations migrantes dans les empires ibériques. Il faudra alors interroger les rapports de domination à l’œuvre dans l’appropriation et la maîtrise de l’espace et envisager les phénomènes de ruptures, de reformulation ou de revitalisation qui permettent de comprendre la diversité et la complexité des paysages coloniaux. Il s’agit d’analyser comment la multiplicité des acteurs et leurs différentes stratégies pour habiter et s’approprier l’espace façonnent des paysages en « millefeuilles » (multilayered), envisagés comme des surfaces évolutives sur lesquelles différentes générations inscrivent leurs valeurs et leurs préoccupations sans pouvoir effacer celles des précédents occupants[2].
Nous envisageons de privilégier quatre axes d’analyse.
- Agriculture, exploitation des sols et propriété foncière
La transformation de l’espace est particulièrement manifeste dans les changements agricoles qui suivent les conquêtes ibériques. L’introduction de plantes et d’animaux domestiques encourage de nouvelles pratiques et modifie durablement les paysages. Elle induit également un changement dans le rapport au sol et à la nature, qui se traduit notamment par la délimitation et la reconnaissance juridique de nouvelles formes de propriétés foncières, résultant souvent d’accaparements. Les élites locales s’adaptent à ces changements, en favorisant sur leurs terrains plantes et animaux européens, prouvant la réalité de ce nouveau paradigme et l’ampleur de la transformation des espaces colonisés.
- Peupler et contrôler l’espace
La conquête d’immenses territoires pousse les empires ibériques à adopter de nouvelles techniques de contrôle de l’espace. La concentration de populations, européennes mais aussi indigène, dans des lieux stratégiques en est la réalisation spatiale. On pourra interroger la façon dont les villes, mais aussi d’autres lieux de peuplement de taille plus modeste (avant-postes, presidios, missions, …), participent de la territorialisation des puissances ibériques. Le terme de « poblar », utilisé pour décrire autant la fondation de villes que l’envoi de colons recrutés dans la Péninsule, fournit ainsi une traduction intéressante du fait colonial aux XVIe et XVIIe siècles. Il s’agira également de voir comment certaines pratiques perpétuent et structurent le contrôle du territoire, des campagnes militaires aux visitas.
- Connaître et représenter les territoires
L’expansion des empires ibériques s’accompagne de la mise en place de nouveaux outils pour mesurer, représenter et définir les territoires. On pourra réfléchir à l’évolution et à la constitution des savoirs cartographiques ou encore à la représentation iconographique du « nouveau monde ». On reviendra aussi sur le rôle des visitas et procédures administratives dans la connaissance et l’appropriation des territoires colonisés. Une attention particulière sera également portée à la place des savoirs indigènes et à la transformation de leurs représentations de l’espace.
- Christianisation et occidentalisation de l’espace
L’évangélisation et l’introduction du modèle municipal castillan entraînent la destruction et/ou la reformulation des territorialités indigènes. Ils modifient les paysages mais surtout les modes d’occupation de l’espace. Il est donc essentiel d’envisager comment le déplacement contraint des populations colonisées, mais aussi la christianisation des paysages et l’occidentalisation des lieux de vie transforment le rapport des sociétés indigènes à l’espace ainsi que leurs identités collectives. En s’investissant et en investissant dans les institutions et associations chrétiennes et municipales ou encore dans les nouveaux rituels religieux et politiques, ces populations produisent de nouvelles localités[3], reformulant des pratiques d’identification collectives préexistantes.
Calendrier et modalités de soumission
La journée d’étude se tiendra dans les nouveaux locaux du campus Condorcet, le 1er juin 2022, en format hybride afin de rester accessibles au plus grand nombre.
Les propositions de communications sont ouvertes aux jeunes chercheur.euse.s en Sciences Humaines et Sociales, étudiant.e.s de master à postdoctorant.e.s. Nous invitons les participant.e.s à présenter des travaux en cours. Ces présentations feront l’objet de discussions par des intervenant.e.s.
Nous acceptons les communications en Français et Espagnol. Les communications pourront également se faire en Anglais ou Portugais, sous réserve de fournir un papier rédigé une semaine avant la rencontre pour les discutants.
Certains frais de transports pourront être financés. Merci de préciser dans le formulaire ci-joint si vous souhaitez bénéficier de cette aide en précisant sur quel trajet.
Pour participer, merci de fournir :
- Une proposition de communication de 300 mots maximum, précisant à quel axe thématique vous souhaitez contribuer.
- une courte bibliographie.
- le formulaire de participation complété
Votre dossier de candidature complet doit être envoyé avant le 20 mars 2022 20h (heure de Paris) à l’adresse suivante : transformer.approprier.espace@gmail.com
Pour toutes questions merci de contacter Antoine Duranton (antoine.duranton@ehess.fr) ou Elfie Guyau (e.guyau@parisnanterre.fr)
[1]C’est une question classique depuis les débats des années 1980 voir CHANCE (1978); SEED (1995); plus récemment DAVIES (2016).
[2]TILLY (2004) et WALSHAM (2011).
[3]APPADURAI (1995)