Noblesse, féodalité, rapport à la terre : un questionnaire comparatif (XIVe-XIXe siècles)

 6 et 7 octobre 2022
Colloque international
Présentation

Ces deux journées, organisées par Elie Haddad (RHISOPLaDéHiSGRIHL), Valérie Piétri (Université Nice-Côte d’Azur, URMIS) et Antoine Roullet (GEI), proposeront un état comparatif de l’historiographie et des questionnements autour de la transformation du rapport à la terre dans la noblesse dans plusieurs pays européens (Angleterre, Espagne, France, Italie, Saint-Empire) de la fin du Moyen Âge au XIXe siècle.
Ce type d’interrogation renvoie à des débats et à un héritage théorique depuis longtemps délaissés, autour du passage du « féodalisme » au « capitalisme », de la « reféodalisation » de l’époque moderne et de la genèse de la révolution industrielle et des sociétés dites « démocratiques » et « modernes ». Dans ces récits à la téléologie difficilement contournable, l’époque moderne fait figure de transition et la féodalité est synonyme d’archaïsme, à rebours de certaines évidences, comme, pour le cas castillan, l’extension du domaine seigneurial laïc tout au long de l’époque moderne face au domaine royal ou face aux seigneuries ecclésiastiques. En la matière, l’historiographie est marquée par des problématiques inévitables mais critiquables autour des raisons du succès ou de l’échec des différents pays sur le chemin de la « modernité », et des retards jugés croissants de l’Europe du Sud en la matière, notamment par rapport au cas anglais érigé en modèle. Ces grands récits donnaient leur forme à l’histoire de la propriété foncière et, par ce biais, à l’histoire de la noblesse dont les mentalités et la volonté de contrôler la terre et les hommes ont été considérées comme des freins à l’épanouissement de la modernité.
Toutes ces analyses ont été largement discutées et contestées, et ce depuis longtemps mais elles n’en continuent pas moins d’organiser l’historiographie, de manière plus souterraine, puisque le débat, malgré les nombreuses déclinaisons qu’il a connues, est surtout mort de la marginalisation de l’histoire économique et sociale au profit de l’histoire culturelle et du retour d’une histoire politique plus traditionnelle. En revanche, les apports récents de l’histoire des noblesses européennes permettent de reconsidérer la question de l’organisation seigneuriale dans les différents pays, voire les différentes régions, ainsi que le problème des évolutions du rapport à la terre dans ces noblesses et des conséquences économiques, sociales et politiques que cela a pu avoir dans les dynamiques historiques particulières des territoires européens. De même, les travaux des dernières années sur l’histoire de la propriété, prenant en compte les conceptions différentes du droit, partant pour certaines des nouveaux terrains de l’histoire environnementale, ont permis des avancées quant aux transformations des conceptions et des pratiques d’appropriation de la terre. L’enjeu est donc aujourd’hui de ressaisir l’héritage des travaux anciens pour remettre à jour son questionnaire à l’aune des développements récents, en articulant si possible deux dimensions :

  • Un état des lieux historiographiques sur le rapport nobiliaire à la terre et sur la féodalité, à partir de plusieurs contextes qui remette en perspective le rôle que les travaux des années 1960 à 1990 jouent encore aujourd’hui dans l’historiographe des principaux pays européens.
  • Un état des lieux et une synthèse de la domination seigneuriale sur la terre dans des mêmes espaces.

L’objectif est d’aboutir à une discussion permettant d’élaborer un questionnaire commun pour des recherches et des collaborations ultérieures. Ce colloque se veut en effet le prélude à une recherche comparée collaborative de plus grande ampleur sur les changements de la féodalité, du régime seigneurial et du rapport à la terre de la noblesse, cette dernière étant comprise non comme une réalité homogène et posée a priori, mais comme un rapport social changeant dans l’espace et dans le temps. Cette recherche devrait aboutir à historiciser et spatialiser pleinement le phénomène seigneurial et ce qu’on appelle couramment féodalité, dont les définitions restent, jusqu’à ce jour, marquées par un flou préjudiciable à la saisie des réalités sociales passées, et donc de leurs transformations.

Programme

 

Lieu

EHESS
Salle AS1_08
54, boulevard Raspail
75006 Paris